Retrouver son enfant intérieur en ehpad

Rédigé le 14/06/2023

1- Préambule…

L’objectif de cette séance est de contacter et représenter nos émotions à l’écoute d’un chant d’opéra. J’invite les résidentes à fermer les yeux et leur demande d’être attentives à leur respiration pour faire aussi de ce temps d’écoute un moment de relaxation en observant ce va et vient de la respiration, attentives aussi aux ressentis corporels.

Nous écoutons un opéra de Camille Saint-Saëns, « Samson et Dalila », « Mon coeur s’ouvre à ta voix ».

2- Des ressentis visuels

A la fin de l’écoute Mme R nous dit qu’elle s’est revue en train de tourner la manivelle de son gramophone, Mme H qu’elle se revoyait à 10 ans à l’opéra avec ses parents. Curieusement, là où je m’attendais à ce que des ressentis corporels soient évoqués, la musique n’a réveillé que des souvenirs visuels. Mme R me dit qu’à leur âge on ne ressent plus rien dans son corps! Si ce n’est les douleurs d’un corps vieillissant… On pourrait s’intéresser à ces douleurs et les représenter dans une création. Je prends le parti de, plutôt que regarder ces douleurs, s’intéresser aux capacités restantes de chacune à jouer avec la trace et la couleur pour se remettre en mouvement, soutenues par la musique.

3- Temps créatif

J’invite les résidentes à choisir des couleurs et laisser courir le pastel sur la feuille sans lever la main. Mme R se lance dans la représentation de ce parent qu’elle revoit près d’elle à côté du gramophone, Mme L écrit les mots qui lui viennent à l’esprit… Mme D tente de laisser des traces sans lever la main mais ne cesse de répéter que ce qu’elle est en train de faire est horrible!

Au pastel, qui favorise la précision et permet de garder un certain contrôle, je propose d’ajouter de l’encre colorée pour inviter un peu plus au lâcher-prise. Des petites touches discrètes ou des balayages plus grands viennent combler les espaces blancs.

4- Echange

Nous observons les réalisations de chacune et partageons sur les ressentis éprouvés lors du processus. Toutes s’accordent à dire qu’écouter cette musique leur fait du bien, n’est-ce pas déjà le signe de l’émergence d’une émotion?

Il y a Mme M qui regarde sa production sans pouvoir dire de mots mais dont le visage exprime une certaine fierté. Mme D nous dit que, décidément, ça ne ressemble vraiment à rien! Ces traces ressemblent à des gribouillages d’enfants et la couleur ne représente rien nous dit-elle.

L’occasion m’est donnée pour rappeler la consigne du départ, jouer!! Sans chercher à représenter quelque chose, sans attente d’un résultat… retrouver notre âme d’enfant en quelques sortes, celui qui joue, qui se laisse surprendre.

5- Constat

Cet enfant était bien au coeur de cette séance, de celui de 10 ans qui va à l’opéra à celui qui tourne la manivelle du gramophone… cet enfant finalement qui ne cesse d’exister en nous et qu’il est si bon d’aller retrouver… L’écoute de cet opéra n’a pas eu selon moi les effets imaginés mais l’émotion était partout. Chacune repart, peut-être, habitée par la petite fille qu’elle a été, libérée un moment des douleurs de la vieillesse…