Aujourd’hui la forêt franchit les portes de l’Ehpad. Les résidents découvrent une table sur laquelle sont déposé.e.s châtaignes, bogues et feuilles sèches. J’observe les réactions de chacun, entre curiosité et amusement.
La bogue intrigue, j’en décortique une, la châtaigne montre sa tête pour la grande surprise de certains. Les résidents touchent, sentent, décrivent et nomment les éléments exposés. C’est doux, c’est lisse, ça pique, c’est fragile, c’est cassant. J’invite les résidents à choisir des feuilles, elles vont nous accompagner dans la promenade virtuelle qui va suivre. Les participants peuvent fermer les yeux, des sons de nature, pic-vert, chants d’oiseaux, bruits de pas en forêt nous plongent davantage dans cette expérience sensorielle. J’observe certains résidents toucher, froisser ou sentir les feuilles les yeux fermés. J’entonne le récit.
L’évocation fait son œuvre : elle reconstruit ce que le temps avait effacé, elle rouvre les portes de la mémoire émotionnelle, elle ranime l’attention, l’imaginaire, la capacité à se raconter.
J’invite ensuite les résidents à s’exprimer sur les sensations, les ressentis ou les émotions suscité.e.s par cette promenade virtuelle. Mme D évoque avec joie ses souvenirs dans la forêt de Fontainebleau, là où Mme F revisite ces moments avec un peu de nostalgie.
Nous poursuivons par un temps créatif qui permettra à chacun de représenter la nature telle qu’il a visitée dans sa rêverie, telle qu’il se la remémore.
La représentation de la bogue sera facilitée par l’usage de la brosse à dent, la peinture se déploie en éclats légers, comme des épines de bogue projetées sur la feuille.
Les mains tremblent parfois, mais elles osent, la motricité fine se réveille dans un geste libre, sans jugement. Des feuilles sèches viennent compléter le tableau dans une composition joyeuse.
Les cahiers se parent de fragments de paysages imaginés, des morceaux de promenade reconstruits, des fenêtres ouvertes sur une forêt intime, unique, retrouvée. J’observe une joie chez chacun à exposer sa création mais aussi à découvrir celle des autres résidents, favorisant ainsi le lien social.
Dans ce moment suspendu, l’art-thérapie permet plus qu’une création : elle ouvre un espace où l’on peut encore éprouver, imaginer et partager. Aujourd’hui, la forêt n’était pas dehors. Elle était là, dans les mains, dans les mots, dans les yeux des résidents.







