Aujourd’hui tous les sens vont être en éveil. L’expérience sensorielle se portera sur la poire!
Les résidents découvrent quelques poires disposées sur la table. Mr C, qui participe à cet atelier pour la première fois, me demande si l’on va faire une nature morte. Pour la création, surprise! Pour le moment on va prendre le temps de regarder, toucher, sentir puis goûter ces poires. « C’est froid, c’est granuleux, c’est sucré, un peu dur quand même! » disent-ils.
J’explique alors comment nous allons nous inspirer de ces poires pour réaliser un collage fait de papiers de soie, papiers peints, cartes topographiques, papiers recyclés… J’ai dans la tête la phrase de Prévert « Du moment qu’on écrit avec de l’encre ou un crayon on peut faire des images aussi, surtout comme moi quand on ne sait pas dessiner, on peut faire des images avec de la colle et des ciseaux, c’est pareil qu’un texte, ça dit la même chose».
Là encore Mr C réagit lorsque j’évoque les artistes ayant expérimenté cette technique, il nomme Braque, Picasso, les surréalistes, Dada, le Bauhaus, il explique au groupe les techniques, les matériaux utilisés… Quelle entrée dans le groupe! Chacun le regarde avec curiosité et admiration.
Place maintenant à la création. Chacun dispose d’une poire dessinée et de morceaux de papiers variés. Les résidents ont l’habitude de ce genre de proposition et spontanément ils vont alterner déchirement ou découpage aux ciseaux puis les fragments de papier viendront se juxtaposer ou se superposer pour donner forme à l’image.
Si la notion de jeu est privilégiée ici, on peut y voir de façon sous-jacente les concepts de limite intérieur/ extérieur, dedans/dehors, soi/non-soi. Ces fragments de papier éparses s’associent à d’autres, se touchent, s’imbriquent, se chevauchent, s’unissent par la forme, la matière ou la couleur. On peut y voir une forme de réunification, comme les parties de soi-même un peu flottantes qui viendraient s’agglomérer dans un tout réunificateur. A la manière de Magritte on pourrait dire « ceci n’est pas une poire », on ne peut pas la manger… Elle est le fruit d’un jeu créatif fait de découpages et d’assemblages, dans lequel le processus psychique de re-construction est à l’oeuvre.
La re-construction opère également au niveau du narcissisme dans la capacité du résident à s’approprier le médium et produire une oeuvre gratifiante.