L’art-thérapie et la maladie d’Alzeimer

Rédigé le 20/05/2022


Le jeu pour libérer le je

La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative qui, avec le vieillissement de la population, est en constante évolution. On compte actuellement 1,3 millions de personnes atteintes de cette maladie avec 225 000 nouveaux cas par an. Elle touche 30% des plus de 90 ans, 15% des plus de 80 ans et environ 10% des plus de 70 ans.

La personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ne reconnait plus le monde dans lequel elle vit. La mémoire s’efface progressivement et la plonge dans un monde hostile en perte de repères. Le langage s’appauvrit, limitant ainsi la relation à l’autre. En glissant doucement dans l’isolement, le malade fait face à des angoisses. Celles-ci peuvent se traduire par de l’agitation, des déambulations et de l’agressivité. Les mots ne sont plus là pour entretenir le lien avec l’autre. Dire ses émotions ou exprimer sa peur ou ses besoins devient compliqué… Pourtant les capacités affectives, émotionnelles et sensorielles restent encore bien présentes. Elles le resteront longtemps même à un stade avancé de la maladie.

En tant que méthode de soin non verbale, l’art-thérapie va solliciter ces canaux. Accompagnée et guidée par l’art-thérapeute, dans un cadre sécurisant, la personne retrouve sa capacité de choisir. Elle va pouvoir s’exprimer librement dans sa création et être actrice de son oeuvre.

Tout est permis, tant qu’elle ne se met pas en danger. Ainsi, peindre avec les doigts, déchirer pour recoller, barbouiller, malmener une pâte à modeler… afin que s’exprime l’émotion et sorte la personne de son isolement physique et psychique.

L’objectif est rappelé à chaque séance, « place au plaisir dans la création ». Peu importe le résultat, nous ne sommes pas là pour réaliser une oeuvre d’art. L’objectif est de jouer avec la couleur, la forme, la matière qui deviennent des outils d’expression. S’ensuivront souvent une satisfaction et de la fierté. La gratification par l’objet favorise la renarcissisation, l’estime et la confiance en soi de la personne.

Les bienfaits liés à la pratique

Ils sont sont nombreux. En se reconnectant à ses éprouvés, la personne désorientée sort de son isolement. La personne ne se voit plus comme sujet malade mais comme une personne encore capable d’exprimer son monde intérieur. L’anxiété diminue, la dépression, qui est aussi un des symptômes de la maladie, laisse place à un mieux-être et un bien-être significatifs. Dans l’ici et maintenant, la personne redevient actrice. Elle élabore une oeuvre qui devient support de communication et de ce fait créateur de lien.

L’art-thérapie en EHPAD

En EHPAD, l’art-thérapie permet un accompagnement à visée thérapeutique. Il s’inscrit dans la prise en charge médicale. L’art- thérapie propose d’ouvrir un espace où la personne âgée pourra développer ses capacités créatives, sensorielles et cognitives. On utilise les ressources de l’expression, de la communication et de la relation dans un projet d’accompagnement personnalisé. Le résident peut être accueilli seul. Dans des situations groupales, il pourra développer le sentiment d’appartenance au groupe et favoriser le lien social. Les rencontres ont lieu de préférence une fois par semaine, au même endroit et au même moment pour rassurer le résident et lui donner des repères stables.

La prise en soin d’un résident se décide en lien avec le médecin coordonnateur, le psychologue ainsi que l’équipe soignante. Il n’y a pas de pré-requis. La première séance sucite souvent interrogations, curiosité mais aussi peur. La personne âgée désorientée ne connait pas ce lieu, ne me connaît pas et peut être effrayée devant le matériel proposé. Les peurs s’estompent assez rapidement, lorsque la personne se sent en confiance et comprend qu’il n’y a aucune attente de résultat.

La musique douce est aussi là pour envelopper la personne et la sécuriser. La personne abandonne ses défenses et se laisse accompagner en confiance sans crainte de se tromper ou « de rater ». La couleur jaillit, les formes naissent sous ses yeux, les images s’articulent pour exprimer une idée… Chaque rencontre réserve de jolies surprises. Des larmes chargées d’émotion devant une réalisation, une parole qui s’ébauche quand celle-ci se faisait si rare, un regard qui s’éclaire, un lien qui se crée entre deux résidents, un « oui » spontané quand toute invitation à créer ne recueillait que des « non », une main qui malgré la douleur, s’obstine à aller au bout, un rire qui surgit soudain et enfin l’expression de la joie devant une production au travers de laquelle l’indicible a pris forme…

Comment se déroule une séance type?

En individuel, la personne âgée dépendante est dirigée par mes soins dans la salle d’art- thérapie. Le temps de l’accueil permet de prendre des nouvelles. La personne est sollicitée sur son désir du jour, peindre? Coller? Modeler?

Sans demande exprimée, je me base sur les éléments observés lors des séances précédentes. La proposition créatrice respecte les objectifs élaborés préalablement. Ce peut être une production à 4 mains ou un accompagnement avec une observation attentive et bienveillante.

Un petit temps d’échange est proposé à l’issue de la séance. Ce retour permet au résident de s’exprimer sur le moment passé, ses impressions et ressentis face à l’objet créé. Le résident peut afficher sa production dans sa chambre, l’offrir, ou de la laisser à l’atelier. En collectif, les temps d’accueil, de création et d’échange font également partie du rituel.

Les propositions sont adaptées à chacun en fonction d’un désir exprimé ou d’un objectif spécifique. Elles sont généralement communes au groupe. La proposition est ludique pour apporter une certaine légèreté dans l’acte de créer. Elle invite également à davantage de lâcher-prise. Le jeu libère des enjeux et accueille le « je ».

Le réaménagement psychique favorisé par l’acte de créer permet à la personne de retrouver un élan de vie, stimulée aux niveaux créatif, cognitif et sensoriel pour retrouver « le sentiment d’être ».